Voyage en outre-gauche

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Voyage en outre-gauche

par Lola Miesseroff, Éditions Libertalia, 2018

Kultur par Bill

La culture c’est comme la confiture (air connu). Oh joie ! Une nouvelle fois, je vais étaler la mienne (la culture pas la confiote). Les 50 ans de mai 68 approchant, il est certain que nous allons nous taper une noria de souvenirs aussi divers qu’avariés. J’adorerais un bouquin signé « Théodule la matraque : souvenirs d’un garde mobile », mais pour l’instant, ce sont les pré-Alzheimer gauchistes qui se lâchent. La citoyenne Lola Miesseroff (avec un patronyme pareil, encore une cosmopolite payée par le parti de l’étranger !) a compilé, par thématiques, les souvenirs de personnes se réclamant du courant que les crétins, les médiatiques et les staliniens (il y a parfois des différences) nomment ultra-gauche. Rappelons que cette dénomination merdeuse fut inventée par Lénine en 1920, pour stigmatiser tous les courants communistes qui s’opposaient à sa gentille dérive autoritaire. Ce courant a toujours considéré l’URSS comme un capitalisme bureaucratique d’État totalitaire, n’a jamais pardonné à Trotsky le massacre de Kronstadt et la répression de la révolution libertaire d’Ukraine, et a constitué les premiers touristes sibériens du petit père des peuples : Staline.

Quoique numériquement assez important, ce courant n’a jamais été capable de s’unifier malgré de multiples tentatives (l’auteur de ces lignes sait parfaitement de quoi il parle). D’ailleurs un des livres les plus célèbres sur la question s’intitule « L’ultra-gauche, itinéraire d’une balle dans le pied ». C’est pour cela que Lola Miesseroff parle d’outre-gauche.

68 ne fut pas seulement l’œuvre d’étudiants post-léninistes, trotskystes ou maoïstes, mais bien surtout celui de millions de prolos en grève, de marginaux de tout poil qui voulaient changer la vie, et son influence idéologique principale, totalement souterraine, celle de cette outre-gauche.

Ce livre de souvenirs, de témoignages, de commentaires souvent désabusés, se lit si facilement qu’après l’avoir refermé, on ne peut que le rouvrir, au hasard, pour rechercher dans les propos tenus, le goût si âcre des rêves inachevés. Si beaucoup des intervenants ont, malgré tout, continué à lutter, une minorité a tout abandonné, mais tous semblent partager le sentiment d’un immense gâchis. Si quelques-uns parmi nos jeunes lecteurs veulent s’informer sur ce moment dont on parle abondamment, mais toujours avec les mots du pouvoir, nous ne pouvons que leur conseiller de lire ces témoignages afin qu’ils comprennent ce qui s’est joué pendant ces années où la vie a failli basculer, et ce avant qu’il ne soit trop tard, parce que bientôt tous les témoins se seront tus à jamais. Pour le pouvoir qui attend ce moment depuis longtemps, son soulagement est prématuré : l’héritage a déjà été transmis.

Voyage en outre-gauche de Lola Missieroff – Éditions Libertalia, 2018 –10euros- ISBN 978-2-37729-024-6

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